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Le blog de lamoire Blog culturel, littéraire, d'actualité (littérature; spectacles), et de création.

Beyrouth adrenaline

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            Dans ce beau spectacle, le metteur en scène Hala Ghosn (également auteur de la pièce avec Jalie Barcilon), donne à voir la résistance de la vie au milieu de la guerre au Liban. La scène est séparée en trois espaces : une estrade sur chaque côté et un couloir au centre entre les deux estrades. A gauche, c'est le balcon de Marwan resté au Liban avec sa mère. Il fait du sport sur cet étroit balcon quand sa mère ne l’appelle pas pour qu’il rentre. Au centre, c'est l’appartement de Zyad et Mona, le frère et la sœur de Marwan qui ont émigré en France. Zyad est professeur en Faculté ; Mona est une adolescente au lycée. En face, sur l’estrade de droite, c'est le balcon de Rima, jeune femme qui n’a plus de nouvelles de son mari parti à la guerre et qui vit avec son jeune frère Toufic dont elle s’occupe comme une mère de son enfant. Toufic est jeune et pourtant déjà engagé dans une milice.

            Deux autres espaces se créent ponctuellement : au fond de la scène, en hauteur, il s’agit de la rue où Rima part chercher son mari qu’elle espère sauver et où Marwan part la secourir tandis qu’on entend des tirs; l’estrade de droite prolongée pas des marches devient les escaliers qui conduisent à la cave où tous les personnages pour une fois se réunissent pour s’abriter des bombardements.

            L’univers de la guerre est omniprésent dans le discours : les nouvelles annoncées à la radio au Liban, retransmises à la télévision en France, rapportées par les personnages entre eux qui s’en enquièrent. Il est également le sujet que Zyad développe dans une conférence pour comprendre les origines de la guerre sans pour autant y parvenir, ce que la répétition litanique de « A qui la faute ? » suggère. La guerre est dite ; elle est également montrée : on voit dès le début Toufic s’entraîner au combat sur son balcon puis y apporter des armes ; Rima revient blessée à la jambe après avoir tenté de passer un barrage pour rejoindre sa galerie de peintures. La guerre s’entend enfin par de saisissants effets sonores qui traduisent les coups de mitraillettes, les bombardements au point qu’on croirait s’y trouver.

            Les points de vue sur la guerre se développent au fil de l’histoire de chacun des personnages. En France, Mona est une lycéenne qui se sent déracinée du fait de son expatriation et qui reproche à Zyad de s’intégrer par son métier, sa relation à sa petite amie comme s’il pouvait oublier ce qu’il a laissé derrière lui. Zyad, est responsable de sa petite sœur et s’inquiète pour son frère resté au Liban au milieu d’une guerre jugée absurde. Au Liban, la guerre est perçue au quotidien : chez Marwan, la guerre apporte l’isolement car sa famille s’est décomposée et il vit chez sa mère ; chez Rima elle apporte la solitude car son mari a disparu, son petit frère est souvent absent. On découvre la guerre directement par les tirs, les blessures, les armes et indirectement par ses conséquences absurdes et perverses.

            Toutefois, à travers ces différents points de vue, c'est la vie, la volonté de vivre qui émerge. La vie est manifeste non seulement chez Marwan qui s’entraîne sans relâche à la course, mais aussi chez Rima qui continue d’organiser l’appartement comme on le fait d’un lieu de vie avec ses rituels. La disposition de leurs balcons placés l’un en face de l’autre permet en outre à ces deux personnages de se séduire petit à petit.  Dans l’appartement en France, Zyad sort avec une jeune femme et Mona envie ce pouvoir de séduction chez sa petite amie. Le désir, l’amour, les efforts font naître constamment la vie même en contexte de guerre. L’humour aussi, souvent malgré les personnages, fait que cette pièce penche du côté de la vie. Ils sont drôles et attachants ces personnages : Marwan simule des départs au « starting-block » les uns après les autres ; Toufic caricature les stars de films de combats quand il s’entraîne, puis passe du jeune homme engagé à l’enfant couvert de mousse quand sa sœur lui lave les cheveux ; Mona fait une crise d’adolescente    jalouse des attraits de la petite amie de son frère qui est belle, sympathique, gracieuse et amusante et refuse de se percevoir cependant comme une adolescente ; la bonne chez Marwan obéit servilement mais montre parfois un caractère bien trempé qui détone. La vie s’exprime à travers ce quotidien où les langues (Libanais ; Anglais ; Français) elles-mêmes brassées dans les dialogues révèlent la résistance et l’espoir face à la guerre.

 


Voir : http://www.lamanufacture



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