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Le blog de lamoire Blog culturel, littéraire, d'actualité (littérature; spectacles), et de création.

Cent titres

lamoire

Francis Ponge, "La Pratique de la littérature", Méthodes (1961) : " Il y a le monde des objets et des hommes, qui pour la plupart, eux aussi, sont muets. Parce qu'ils remuent le vieux pot, mais ils ne disent rien. Ils ne disent que les lieux communs."

 

 


 

 

Paul Valéry, Monsieur Teste (1919-1946) : "Il aime, il souffre, il s'ennuie.Tout le monde s'imite. Mais, au soupir, au gémissement élémentaire, je veux qu’il mêle les règles et les figures de tout son esprit"

 

 


 

 

Federico Garcia Lorca, Romancero gitano, "Burla de Don Pedro a caballo", Ultima Laguna (1924-1927) :

 

"Bajo el agua
están las palabras.
Limo de voces perdidas.
Sobre la flor enfriada,
está Don Pedro olvidado,
¡ay!, jugando con las ranas."

 

 


 

 

Hermann Hesse, Demian, (1919) : " Je puis bien m'imaginer que par exemple, je veuille me rendre sur-le-champ au pôle Nord ; mais je ne puis vouloir assez fortement, et par là être capable de réaliser mon désir, que lorsqu'il me possède entièrement. Quand ce cas se présente, quand tu essaies d'accomplir ce qui t'est dicté  intérieurement, alors,cela réussit, alors tu peux atteler ta volonté comme un bon coursier."

 

 


 

 

 G. Ch. Lichtenberg, Aphorismes (1800-1806) : "Un couteau sans lame auquel manque le manche".

 

 


 

 

D. Diderot, Le Rêve de d'Alembert, (1769) : "D'ALEMBERT - Je suis donc tel, parce qu'il a fallu que je fusse tel. Changez le tout, vous me changez nécessairement ; mais le tout change sans cesse... L'homme n'est qu'un effet commun, le monstre qu'un effet rare ; tous les deux également naturels, également nécessaires, également dans l'ordre universel et général... Et qu'est-ce qu'il y a d'étonnant à cela ?... Tous les êtres circulent les uns dans les autres, par conséquent toutes les espèces... tout est en un flux perpétuel... Tout animal est plus ou moins homme ; tout minéral est plus ou moins plante ; toute plante est plus ou moins animal. Il n 'y a rien de précis en nature... Le ruban du père Castel... Oui, père Castel, c'est votre ruban et ce n'est que cela 1. Toute chose est plus ou moins une chose quelconque, plus ou moins terre, plus ou moins eau, plus ou moins air, plus ou moins feu ; plus ou moins d'un règne ou d'un autre... donc rien n'est de l'essence d'un être particulier... Non, sans doute, puisqu'il n 'y a aucune qualité dont aucun être ne soit participant... et que c'est le rapport plus ou moins grand de cette qualité qui nous la fait attribuer à un être exclusivement à un autre... Et vous parlez d'individus, pauvres philosophes ! laissez là vos individus ; répondez-moi. Y a-t-il un atome en nature rigoureusement semblable à un autre atome ? Non... Ne convenez-vous pas que tout tient en nature et qu'il est impossible qu'il y ait un vide dans la chaîne? Que voulez-vous donc dire avec vos individus ? Il n'y en a point, non, il n'y en a point... Il n'y a qu'un seul grand individu, c'est le tout. Dans ce tout, comme dans une machine, dans un animal quelconque, il y a une partie que vous appellerez telle ou telle ; mais quand vous donnerez le nom d'individu à cette partie du tout, c'est par un concept aussi faux que si, dans un oiseau, vous donniez le nom d'individu à l'aile, à une plume de l'aile... Et vous parlez d'essences, pauvres philosophes ! laissez là vos essences. Voyez la masse générale, ou si, pour l'embrasser, vous avez l'imagination trop étroite, voyez votre première origine et votre fin dernière... O Architas ! vous qui avez mesuré le globe, qu'êtes-vous ? un peu de cendre... Qu'est-ce qu'un être ?... La somme d'un certain nombre de tendances... Est-ce que je puis être autre chose qu'une tendance ?... non, je vais à un terme... Et les espèces ?... Les espèces ne sont que des tendances à un terme commun qui leur est propre... Et la vie?... La vie, une suite d'actions et de réactions... Vivant, j'agis et je réagis en masse... mort, j'agis et je réagis en molécules... Je ne meurs donc point ?... Non, sans doute, je ne meurs point en ce sens, ni moi, ni quoi que ce soit... Naître, vivre et passer, c'est changer de formes..."

 

 


 

 

J. -P. Sartre, La Nausée (1938) : " Tous les matins à la même heure, un homme seul boit un verre de vin devant des femmes à genoux."

 

 

 


 

F. Kafka, Aphorismes (1917-1919) : "En théorie, il existe une possibilité de bonheur absolu : croire à quelquechose d'indestructible en soi et ne plus chercher à l'atteindre" ("Theoretisch gibt es eine vollkommene Glücksmöglichkeit : An das Unzerstörbare in sich glauben und nicht zu ihm streben"). 

 

 


 


 Fernando Pessoa, Le Livre de l'intranquillité  (1913-1935) : "Un sourire ou un regard pensif cache bien souvent un politicien ou une prostituée qui veut qu'on l'achète. Le politicien et la prostituée aiment tout au moins l'acte par lequel nous les avons achetés."

 

 

 


 

 

Edgar Morin, Le Cinéma ou l'homme imaginaire (1956) : "Tout rêve est une réalisation irréelle, mais qui aspire à la réalisation pratique. C'est pourquoi les utopies sociales préfigurent les sociétés futures, les alchimies préfigurent les chimies, les ailes d'Icare préfigurent les ailes de l'avion."

 

 

 


 

 

Victor Hugo, Les Châtiments, Livre III, "Joyeuse vie" (1853) :

"A Saint-Cloud, effeuillant jasmins et marguerites,

Quand s'ébat sous les fleurs l'essaim des favorites,

Bras nus et gorge au vent,

Dans le festin qu'égaie un lustre à mille branches,

Chacune en souriant, dans ses belles dents blanches,

Mange un enfant vivant !"

 

 

 


 

Marguerite Yourcenar, L'Oeuvre au noir (1968) :"Au réveil, il crut apercevoir contre son visage une bête extraordinairement mobile, insecte ou mollusque qui bougeait dans l'ombre. Sa forme était sphérique ; sa partie centrale, d'un noir brillant et humide, s'entourait d'une zone d'un blanc rosâtre ou terne ; des poils frangés croissaient sur la périphérie, issus d'une sorte de molle carapace brune striée de crevasses et bossuée de boursouflures. Une vie presque effrayante habitait cette chose fragile. En moins d'un instant, avant même que sa vision pût se formuler en pensée, il reconnut que ce qu'il voyait n'était autre que son œil reflété et grossi par la loupe, derrière laquelle l'herbe et le sable formaient un tain comme celui d'un miroir. Il se redressa tout songeur. Il s'était vu voyant ; échappant aux routines des perspectives habituelles, il avait regardé de tout près l'organe petit et énorme, proche et pourtant étranger, vif mais vulnérable, doué d'imparfaite et pourtant prodigieuse puissance, dont il dépendait pour voir l'univers. Il n'y avait rien de théorique à tirer de cette vision qui accrut bizarrement sa connaissance de soi, et en même temps sa notion des multiples objets qui composent ce soi. Comme l'œil de Dieu dans certaines estampes, cet œil humain devenait un symbole. L'important était de recueillir le peu qu'il filtrerait du monde avant qu'il fît nuit, d'en contrôler le témoignage et, s'il se pouvait, d'en rectifier les erreurs. En un sens, l'œil contrebalançait l'abîme."

 

 

 


 

C. G. Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles (1912) : "Les convictions se transforment en platitudes, rengaines; les idéaux, en habitudes endurcies; et l'enthousiasme, en un geste automatique. La source d'eau vitale s'écoule goutte à goutte."

 

 

 


 

Pierre Jean Jouve, Les Noces (1925-1931; section "Humilis"), "Je t'aime" : 

                il n'y a rien que j'aime

                                                  aucun plaisir

Il y a le Non que j'aime et dans la douceur ou

      profondeur

Mais le Non n'est-ce pas le Tout (fais une aurore

Sur ces mots aussi aveugles que des mains)

Car Tout étant et en dehors de Tout n'étant plus rien

Le Rien d'abord est à poursuivre.

                                                O j'aime.

 

 


 

Emile Verhaeren, Les villes tentaculaires (1895), "L'Âme de la ville"

 

Les toits semblent perdus
Et les clochers et les pignons fondus,
Dans ces matins fuligineux et rouges,
Où, feu à feu, des signaux bougent.

Une courbe de viaduc énorme
Longe les quais mornes et uniformes ;
Un train s'ébranle immense et las.

Là-bas,
Un steamer rauque avec un bruit de corne.

Et par les quais uniformes et mornes,
Et par les ponts et par les rues,
Se bousculent, en leurs cohues,
Sur des écrans de brumes crues,
Des ombres et des ombres.

Un air de soufre et de naphte s'exhale ;
Un soleil trouble et monstrueux s'étale ;
L'esprit soudainement s'effare
Vers l'impossible et le bizarre ;
Crime ou vertu, voit-il encor
Ce qui se meut en ces décors,
Où, devant lui, sur les places, s'exalte
Ailes grandes, dans le brouillard
Un aigle noir avec un étendard,
Entre ses serres de basalte.

O les siècles et les siècles sur cette ville,
Grande de son passé
Sans cesse ardent - et traversé,
Comme à cette heure, de fantômes !
O les siècles et les siècles sur elle,
Avec leur vie immense et criminelle
Battant - depuis quels temps ? -
Chaque demeure et chaque pierre
De désirs fous ou de colères carnassières !

Quelques huttes d'abord et quelques prêtres :
L'asile à tous, l'église et ses fenêtres
Laissant filtrer la lumière du dogme sûr
Et sa naïveté vers les cerveaux obscurs.
Donjons dentés, palais massifs, cloîtres barbares ;
Croix des papes dont le monde s'effare ;
Moines, abbés, barons, serfs et vilains ;
Mitres d'orfroi, casques d'argent, vestes de lin ;
Luttes d'instincts, loin des luttes de l'âme
Entre voisins, pour l'orgueil vain d'une oriflamme ;
Haines de sceptre à sceptre et monarques faillis
Sur leur fausse monnaie ouvrant leurs fleurs de lys,
Taillant le bloc de leur justice à coups de glaive
Et la dressant et l'imposant, grossière et brève.

Puis, l'ébauche, lente à naître, de la cité :
Forces qu'on veut dans le droit seul planter ;
Ongles du peuple et mâchoires de rois ;
Mufles crispés dans l'ombre et souterrains abois
Vers on ne sait quel idéal au fond des nues ;
Tocsins brassant, le soir, des rages inconnues ;
Flambeaux de délivrance et de salut, debout
Dans l'atmosphère énorme où la révolte bout ;
Livres dont les pages, soudain intelligibles,
Brûlent de vérité, comme jadis les Bibles ;
Hommes divins et clairs, tels des monuments d'or
D'où les événements sortent armés et forts ;
Vouloirs nets et nouveaux, consciences nouvelles
Et l'espoir fou, dans toutes les cervelles,
Malgré les échafauds, malgré les incendies
Et les têtes en sang au bout des poings brandies.

Elle a mille ans la ville,
La ville âpre et profonde ;
Et sans cesse, malgré l'assaut des jours
Et des peuples minant son orgueil lourd,
Elle résiste à l'usure du monde.
Quel océan, ses coeurs ! quel orage, ses nerfs !
Quels noeuds de volontés serrés en son mystère !
Victorieuse, elle absorbe la terre,
Vaincue, elle est l'attrait de l'univers ;
Toujours, en son triomphe ou ses défaites,
Elle apparaît géante, et son cri sonne et son nom luit,
Et la clarté que font ses feux d'or dans la nuit
Rayonne au loin, jusqu'aux planètes!

O les siècles et les siècles sur elle !

Son âme, en ces matins hagards,
Circule en chaque atome
De vapeur lourde et de voiles épars,
Son âme énorme et vague, ainsi que ses grands dômes
Qui s'estompent dans le brouillard.
Son âme errante en chacune des ombres
Qui traversent ses quartiers sombres,
Avec une ardeur neuve au bout de leur pensée,
Son âme formidable et convulsée,
Son âme, où le passé ébauche
Avec le présent net l'avenir encor gauche.

O ce monde de fièvre et d'inlassable essor
Rué, à poumons lourds et haletants,
Vers on ne sait quels buts inquiétants ?
Monde promis pourtant à des lois d'or,
A des lois claires, qu'il ignore encor
Mais qu'il faut, un jour, qu'on exhume,
Une à une, du fond des brumes.
Monde aujourd'hui têtu, tragique et blême
Qui met sa vie et son âme dans l'effort même
Qu'il projette, le jour, la nuit,
A chaque heure, vers l'infini.

O les siècles et les siècles sur cette ville !

Le rêve ancien est mort et le nouveau se forge.
Il est fumant dans la pensée et la sueur
Des bras fiers de travail, des fronts fiers de lueurs,
Et la ville l'entend monter du fond des gorges
De ceux qui le portent en eux
Et le veulent crier et sangloter aux cieux.

Et de partout on vient vers elle,
Les uns des bourgs et les autres des champs,
Depuis toujours, du fond des loins ;
Et les routes éternelles sont les témoins
De ces marches, à travers temps,
Qui se rythment comme le sang
Et s'avivent, continuelles.

Le rêve! il est plus haut que les fumées
Qu'elle renvoie envenimées
Autour d'elle, vers l'horizon ;
Même dans la peur ou dans l'ennui,
Il est là-bas, qui domine, les nuits,
Pareil à ces buissons
D'étoiles d'or et de couronnes noires,
Qui s'allument, le soir, évocatoires.

Et qu'importent les maux et les heures démentes,
Et les cuves de vice où la cité fermente,
Si quelque jour, du fond des brouillards et des voiles,
Surgit un nouveau Christ, en lumière sculpté,
Qui soulève vers lui l'humanité
Et la baptise au feu de nouvelles étoiles.

 

 

 

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